Photos, livres, aventures.

Lancement du Bathyscaphe #8



Camarades humains, rescapés de naufrages divers, flibustiers des mers septentrionales, arpenteurs de salles de bain, Robinsons de vos solitudes égarées, l'année a été rude et les eaux parfois glaciales, mais réjouissez-vous, après plus d'un an en mer, Le Bathyscaphe est de retour, qu'on se le dise. Une fois de plus, il y a crevé la surface, suivi les courants les plus sauvages, fait les plus beaux naufrages, pour toucher le fond et nous ramener les coraux les plus étranges.

Amis, voici enfin que nous lançons le Bathyscaphe 8!

LE BATHYSCAPHE, TOUJOURS AUSSI INACTUEL
RÊVE GÉNÉRAL ILLIMITÉ
 VIEUX PROJET QUI NE VIEILLIT JAMAIS


Romy Ashby  Jean-Yves Bériou  Daniel Canty  Maxime Catellier  Maïcke Castegnier  
Geneviève Castrée  Benoît Chaput  Byron Coley  Bérengère Cournut  Hélène Frédérick  Joël Gayraud  
Clément de Gaulejac  Sarah Gilbert  Thierry Horguelin  Julien Lefort  Thurston Moore  
Hermine Ortega  Antoine Peuchmaurd  Mark Read  Pierre Rothlisberger  Barthélémy Schwartz  Valerie Webber  Emma Young


vous y attendent pour vous y parler de 

L'histoire du Bat Signal de Occupy New York, notre défunt Père Ubu Charest, les mystères de la disparition du quartier Griffintown et du quartier autour de la tour de Radio-Canada à Montréal,  tout sur la tragique chute de l'Ère Spatiale Américaine, le retour de la revue Mainmise, le vide des forêts suisses et la poésie de Tomas Tranströmer, les fantômes de l'histoire de l'île de Martha's Vineyard, les éditions de poésie underground américaine Birds LLC, Le mauvais goût de Paulo Coelho, la mauvaise odeur des pieds de Richard Martineau, la série de disques Poetry Out Loud,  l'hospitalité de la poète Joanne Kyger à Bolinas en Californie, Neil Young & Bugs Bunny dans le Bosque de Albuquerque,  de nouvelles inactuelles au sujet de Harry Crews. André Hardellet. Joël Cornuault. Henri Calet. André D'Hôtel et Jean-Pierre Le Goff, le condom est-il joli dans la pornographie ? Alain Cavalier est-il aussi politique que Gus Van Sant ? Benjamin Péret et ses cravates,  Didier Éribon et les curieux passages qui mènent de la Montérégie à Paris : visserie & quincaillerie sans raillerie, le triste sort des bureaux de postes américains, les secrets de l'Autre Monde celtique ; sans compter notre grand jeu, nos images étonnantes et nos aphorismes roboratifs.





Peste & choléra






Patrick Deville est un écrivain français atypique puisque ses livres sont autant des romans d'aventures que des biographies déguisées de personnages hauts en couleurs. Bandits, aventuriers, scientifiques, Deville a le chic pour les trouver, avec un goût de prédilection pour ceux qui s'approchent au plus près de la folie, au coeur des jungles du monde (voir Pura vida, La tentation des armes à feuÉquatoria, Kampuchéa). La précision du langage, l'humour discret et raffiné, les ruptures dans le rythme, l'exotisme géographique et historique (l'empire colonial français à son apogée, du temps où les avancées en Indochine semblaient une compensation pour la perte de l'Alsace-Lorraine) et le soupçon scientifique (Alexandre Yersin, pasteurien de génie mais oublié, explorateur par curiosité à une époque où il reste encore des zones d'ombre sur les cartes, ermite philanthrope, méritait amplement, à en croire le livre de Deville, d'être remis sur le devant de la scène), tout est là pour que Deville rencontre enfin un public plus large.






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Peste & choléra, Patrick Deville, Le Seuil, 2012.

B #8









































- Tu sais quoi?
- Quoi?
- J'ai entendu dire que le nouveau Bathyscaphe devait sortir bientôt.
- Tu veux rire? Je le croyais disparu en mer celui-là.
- Moi aussi, mais tu sais ce qu'on dit : "À l'inutile, rien d'impossible".











Monsieur T.






Monsieur T., de la poète grecque Katerina Iliopoùlou. Une poésie narrative toute en simplicité, qui n'est pas sans évoquer le Plume de Michaux.



Dans la très belle, très élégante et très éphémère collection "Le fer et sa rouille".


(extrait)

Monsieur T.  au bord de la mer


Sur le rivage il ramasse un galet.
Le galet, remarque-t-il, a cette propriété
de n'avoir ni dehors ni dedans.
Le deux se confondent.
Ne pouvant penser à rien d'autre, il décide
que le galet est ennemi du monde, et le jette
au loin.
En tombant le galet forme ce qu'on appelle
"trou dans l'eau".
Monsieur T" ressent une terrible attirance
et jalouse le galet sans savoir pourquoi.

Alors il en prend un autre qu'il met dans sa 
bouche.
C'est d'abord salé.
C'est quelque chose de maritime.
Peu après ce n'est rien.
Une boule dure de silence dans sa bouche, qui avale sa voix.
À sa surprise pourtant il s'aperçoit
que même sans voix il peut parler.
Aucun doute, on entend ses appels.
Un vol d'oiseaux de mer atterrit à ses pieds.
Derrière eux en partant ils laissent un texte illisible.
Monsieur T. se penche et sans tarder l'étudie.




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Monsieur T., Katerina Iliopoùlou, Montréal, L'Oie de Cravan, 2012, 200 ex numérotés.





Desire in a bowl of potatoes



Un tout petit livre, un très beau cadeau.
Desire in a bowl of potatoes est un très court recueil de poèmes de Richard Brautigan écrit dans les années 50 en Oregon et longtemps resté inédit, jusqu'à ce que la maison X-Ray Book Co., de Pasadena, en fasse un magnifique tirage en 2005, avec beau papier, couverture imprimée au plomb, le tout joliment cousu à la main.


desire in a bowl of potatoes
under a tree of fire
over a moon of ashes
beside a river of starfish
who are popping bubble gum



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14p., tirage numéroté de 250 ex, 7x10,5 cm.

Nusch, Paul and the gang



Nusch, Paul Eluard, Roland Penrose, Man Ray, Ady Fidelin (By Lee Miller, 1937)






À l'époque où l'on ne plaisantait pas avec les pique-niques.


















Frida & Vladimir








































Frida Kahlo et Vladimir Maïakovski, à l'époque où l'on ne plaisantait pas avec la poésie.











L'état d'alarme et le sursaut d'orgueil







Après avoir été lieutenant dans le camps anti-esclavagiste pendant la guerre de sécession, Ambrose Bierce a voyagé en Europe et a fait divers petits métiers avant de s'établir comme chroniqueur, puis rédacteur en chef à San Francisco. Les circonstances de sa mort sont plutôt surprenantes puisque l'on perd sa trace au Mexique en 1913, alors qu'il y avait rejoint l'Armé du Nord de Villa en pleine guerre civile.
Moins connu que son Dictionnaire du diable ou que ses nouvelles sur la guerre de sécession, les Fables fantastiques d'Ambrose Bierce sont le plus souvent assez réjouissantes à lire, tant leur cynisme et leur absurdité trouvent encore un écho aujourd'hui.
Dans une bibliothèque idéale, on l'imaginerait volontiers entre Thoreau et Stephen Crane, pas trop loin de Jack London.
J'étais donc tranquillement installé à lire à une terrasse de café, lorsque je suis tombé sur ce texte extrait de ces Fables fantastiques publiées à la fin du XIXe siècle.
Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé ne serait vraiment pas étonnante.






L'état d'alarme et le sursaut d'orgueil

« Bonjour, mon ami", dit l'état d'alarme au sursaut d'orgueil ; « comment allez-vous ce matin? »
« Très fatigué », répondit le sursaut d'orgueil en s’asseyant sur une pierre au bord du chemin et en s'épongeant le front. « Les politiciens m'épuisent à force de mener leurs débats en m'utilisant, moi, au lieu d'agiter un bâton. »
L'état d'alarme soupira avec sympathie et dit : « C'est à peu près la même chose ici. Au lieu d'utiliser une lorgnette, ils regardent les agissements de l'opposition à travers moi! »
Comme les deux malheureux compagnons mêlaient leurs larmes amères, on leur notifia qu'ils avaient à retourner à leur devoir, car l'un des partis politiques avait réussi à faire nommer un voleur, et s'apprêtait à tenir un grand meeting de réjouissance.





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- Le Dictionnaire du diable, éditions Rivages poche ;
- Fables fantastiques, éditions Rivages poche ;
- Morts violentes, éditions Grasset, coll. "Cahiers rouges".








Sudbury


Sudbury, du poète franco-ontarien Patrice Desbiens, dans son édition originale de 1983 à la non moins franco-ontarienne maison d'édition Prise de parole.


     "Je suis né pas loin d'ici.
      J'ai encore les traces sur mon ventre.
      Taches de naissance.
      Je suis né pas loin d'ici mais
      personne me reconnaît.
      Je montre des photos de moi aux habitants.
      "Avez-vous vu cet homme ?" je leur demande."








Résolutions





Résolutions 

Genre : aphorismes.
Ingrédients : finesse, poésie, un peu de tautologies et beaucoup d'eau.
Suggestion de présentation : l'éditeur a choisi une maquette qui renvoie directement au recueil d'aphorismes de Pierre Peuchmaurd À l'usage de Delphine. Ce n'est pas tant un hasard d'ailleurs, puisque l'un a ses résolutions comme l'autre avait ses fatigues. En plus de nombreux recueils de poésie, Albarracin est également l'auteur de Pierre Peuchmaurd, témoin élégant (L'Oie de Cravan, 2007), ainsi que d'une monographie accompagnée d'un choix de textes aux éditions des Vanneaux.



"Je n'y crois pas une minute, mais je veux bien en douter une heure."
   
 *

"Les pilules qu'on avale sont les oeufs de couleuvres."
                                      
 *

"L'homme est un loup qui mange la chèvre avec du chou."


                                                                                *
                                                          "Qui peut peu croit beaucoup."


*

"La rouille, l'or autant que fer se peut."



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Résolutions, de Laurent Albarracin, Montréal, éditions de L'Oie de Cravan, 2012.
Vient de paraître également, du même auteur, Le secret secret, aux éditions Flammarion (2012).









La cour des miracles



À Paris, c'est encore aux puces de Saint-Ouen que se trouve la cour des miracles.
Discret clin d'oeil aux Jardins statuaires de Jacques Abeille et aux jardins anarchiques chers à Bruno Montpied (voir à ce propos son très beau livre, Les Jardins anarchiques, aux éditions L'Insomniaque).






























Sempre Susan

De retour de voyage, le sac bourré de livres jusqu'à la gueule, on se trouve confronté à l'éternel dilemme du lecteur voyageur : reprendre la pile des livres à lire là où on l'avait laissée, en espérant un jour la faire baisser suffisamment pour à nouveau voir le jour par la fenêtre, ou bien entamer tout de suite le lot de ceux fraîchement débarqués que l'on n'a pas encore réussi à caser dans la bibliothèque.
Comme je n'arrivais pas à choisir, j'ai fini par piocher dans une catégorie plus mince, celle des livres arrivés pendant mon absence, une petite plaquette à glisser entre deux lectures. 


Sempre Susan, souvenir sur Sontag, est un texte qui était resté inédit en français et qui vient de paraître directement en poche dans la très nouvelle et très excitante collection "Pulse", chez 13e Note éditions.
Sigrid Nunez a été la compagne de David Rieff - le fils de Susan Sontag - dans les années 70, alors que le jeune homme vivait encore avec sa mère. Elle témoigne de l'expérience de cette intimité partagée avec cette icône de l'intellingentsia new-yorkaise, dans un récit qui réussit à rester sur le fil, ému et reconnaissant envers l'intellectuelle d'une part, sans concession pour la diva d'autre part.


Non seulement cette petite diversion m'aura permis de me prélasser dans un parc en ayant l'air intelligent, mais en plus j'ai trouvé la solution à mon problème. Désormais, j'alternerai entre un livre pris dans la pile en attente, et un autre pris dans le sac de voyage.







«  - On a toujours intérêt à commencer par transgresser les règles. Pour Susan, arriver en retard était une règle [...] Lorsque les gens se plaignaient d'avoir toujours à l'attendre, elle refusait de s'excuser.
   - Tant pis s'ils ne sont pas assez futés pour emporter quelque chose à lire... »







Et hop! La présentation faite par l'éditrice, puisqu'elle est bien faite.


"Printemps 1976, 340 Riverside Drive, New York. Sigrid Nunez, recommandée par la NewYork Review, se rend au domicile de Susan Sontag pour l’aider à traiter la pile monumentale de courrier entassée sur son bureau durant son hospitalisation. Sontag a 43 ans, elle vient de subir une ablation du sein, elle est convalescente. Sigrid découvre un vaste penthouse lumineux, aux murs blancs et nus. Peu de meubles, un chien, et une pièce stratégique, la chambre de Susan qui est aussi son bureau, où trône une énorme IBM Selectric. Susan dicte, Sigrid tape. S’ébauche ainsi une relation forte entre la jeune diplômée de Columbia University, apprenti écrivain de 25 ans, et l’une des plus remarquables intellectuelles de son temps. Sigrid, amoureuse de David Rieff (fils de Susan Sontag), élira domicile au 340 Riverside Drive. Le trio fera autant jaser les commentateurs que se réjouir la dissidente et si peu conventionnelle Sontag. Nunez se souvient. Elle décrit cette période particulière de leur courte vie commune au quotidien, et la personnalité de celle qui fut pour elle à la fois muse, monstre et mentor. Sontag fumait beaucoup, écrivait sans cesse, voyageait tout le temps, détestait les écrivains-enseignants, la solitude, la sottise, la servilité. Féministe radicale, elle ne portait pas de sac, abhorrait les jupes, le maquillage, la chirurgie plastique, les tiédeurs et minauderies du sentiment amoureux. Écrivain avant tout, elle était acharnée au travail, pure dans ses ambitions, soucieuse de partager son savoir et d’attiser les curiosités. À la fin de son livre, Sigrid Nunez nous a fait partager sa conviction que la radicalité de Sontag a soufflé sur notre culture. Au cimetière du Montparnasse, on lit sur une plaque sombre son nom et deux dates : « 1933-2004 ». 71 années d’une vie remplie d’écrits et de convictions qui appartiennent à notre histoire. Sempre Susan – Sontag forever."












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Sempre Susan, souvenirs sur Sontag, de Sigrid Nunez, 13e Note éditions, coll. "Pulse", 112 p.

Tribulations d'un précaire







Iain Levison est écossais et vit aux États-Unis. Du coup, il s'est endetté de 40 000$ pour obtenir un diplôme en littérature qui ne lui offre aucun débouché. Le voici donc contraint de faire tous les métiers pour rembourser sa dette et/ou survivre. Au choix : plongeur, déménageur, installateur de câble, pêcheur de crabes en Alaska, etc. Une bonne dose d'humour noir nécessaire pour rire du quotidien de cet universitaire obligé de se transformer en travailleur précaire itinérant.



Tribulations d'un précaire, de Iain Levison, éditions Liana Lévi, coll. "Piccolo", 2009.

Petit roman lumpen









Ce Petit roman lumpen que nous offre les éditions Chritian Bourgois porte très bien son nom puisqu'il y est question d'orphelins, de délinquants et de combines pour se sortir de la misère, le tout condensé en 95 pages. Ce livre permettra donc à ceux qui ne connaissent pas encore Bolano de se faire une idée de son style et de son talent sans se lancer tout de suite dans les romans marathon que sont 2666 et Les détectives sauvages. Les amateurs plus aguérris quant à eux seront satisfaits de prolonger "l'expérience" Bolano.






Christian Bourgois, 2012.