Parfois, le jeudi, j'aide des amis. Et comme a priori j'aime plutôt la poésie, l'un dans l'autre, je me suis retrouvé hier après-midi au marché de la poésie de Montréal.
Stratégiquement situé entre une sortie de métro, un terminus d'autobus et une avenue des plus achalandées, ledit marché devrait en théorie attirer les foules, qui au retour du travail, qui sur le chemin des bars branchés du quartier. Fort heureusement, comme la poésie est soluble dans l'eau et qu'elle craint la lumière trop vive, les autorités compétentes ont décidé de l'emballer dans un gros tas de toile, façon hôpital de campagne.
À l'intérieur, des poètes belges fatigués encaissent courageusement le décalage horaire en regardant des bardes subventionnés se congratuler les uns les autres tout en jetant des regards envieux à leurs dernier recueil.
En attendant la foule anonyme des lecteurs potentiels, qui continue d'éviter soigneusement cette tente en plein milieu du chemin, de fiers poètes viennent à intervalle régulier déclamer leur œuvres dans une charmante ambiance de radio crochet.
D'où ma question: comment se fait-il que l'on autorise encore ces lectures alors que l'on sait pertinemment que dans 98% des cas, l'auteur n'est pas un bon lecteur et qu'il a toutes les chances de se ridiculiser, voire de détourner de ses textes des lecteurs qui auraient pu les apprécier si ils avaient pu les lire eux-mêmes dans les conditions de leur choix?
On a même vu une vice-présidente du conseil d'administration de la maison de la poésie être émue. La pauvre. Là encore, comment peut on décemment mettre dans une même phrase: "vice-présidente de conseil d'administration", et "poésie"?
Enfin, que l'on ne se méprenne pas; malgré le côté cirque du Chapiteau de la poésie, on y trouve quand même quelques auteurs honnêtes, des livres lisibles et des éditeurs courageux. Mais c'est justement parce que j'aime a priori la poésie quand elle est disponible et que l'on tombe dessus si l'on est curieux ou simplement chanceux, que je déteste ceux qui l'utilisent pour se donner des airs et pour parader.
Heureusement, j'avais sur moi un petit livre intitulé Boccacce, dont il faudra reparler bientôt.