Photos, livres, aventures.

Histoire naturelle

Félix Labisse fut entre autres illustrateur, peintre, cinéaste, poète, décorateur de théâtre et presque belge. On l'a vu traîner ses guêtres à Ostende en 1930 puis à Paris, fréquenter les Magritte, Desnos, Artaud, Prévert, Ernst et Queneau de ce monde avant de s'aventurer en Amérique du Sud avec la compagnie Renaud-Barrault en 1950.
Entre temps, en 1945, il aura participé à l'exposition "Surréalisme" de Bruxelles et publié en 1949 son Histoire naturelle, que les éditions Interférences ont le bon goût de rééditer avec soin ces jours-ci.







En trente dessins et autant de descriptions poétiques, nous apprenons ainsi à distinguer au premier coup d'oeil le manu-militari de l'amante religieuse. Le cyclope des marais ne vous effraiera plus lorsque vous saurez qu'il est "l'ami des jeunes filles" et "qu'il ne se plaît qu'à leurs jeux".
Si il n'a pas inventé l'idée de bestiaire magique, Félix Labisse y contribue avec humour et élégance.


"Peu de gens résistent aux douleurs morales que suscitent le passage d'une Bérénice."






Le Perce-Aurore

C'est en 1431, quelques jours après l'exécution de la Pucelle d'Orléans, qu'on signala dans les environs d'une bourgade dauphinoise la présence d'un Perce-Aurore.

Mis en demeure par le Saint-Office de s'expliquer sur sa nature et son apparition qualifiée de démoniaque, il répondit sans aucune hésitation qu'il avait toujours vécu dans cette région, que, si on ne l'avait jamais remarqué, ce n'était pas de sa faute, qu'il y connaissait les natifs de visu, que ses intentions étaient pacifiques et son mode de vie conforme aux us et coutumes du pays.

On attacha peu de crédit à ses affirmations, on le brûla à petit feu et on eu raison.

Car depuis, on a pu constater maintes fois la fourberie et la rouerie du Perce-Aurore dont on sait qu'il ne respecte pas les sacrements, viole les bergères, incendies les meules, invoque à tous propos le Saint Nom, se repaît de chair humaine, fracture les troncs, profane les Lieux Saints, sodomise les chèvres, détrousse les cadavres, ne salue pas le drapeau et trempe un peu dans l'athéisme.




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- Histoire Naturelle, Félix Labisse, éditions Interférences, coll. "Les illustrés", 135 p., 2012.



Mars



"Mars dans sa voiture vite, mars sur ses branches partout et ses
cornes futures dans le flanc du passé – mars est déjà passé.

Mars agite les bras ; regardez, il agite les bras. Il n’y a rien à
voir – giboulées sur la face. Mars est un pont qui brûle.

En mars tu sais déjà ce qu’en mai tu ne feras pas."

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Pierre Peuchmaurd
extrait de Trente-six strophes de l'année, Wigwam, 1995.