Photos, livres, aventures.

Héraldication





















Les Quinzaines héraldiques, de Marcel Jean, dans l'Almanach surréaliste du demi-siècle.






























Éditions du Sagittaire, 1950.

La NEF des fous

En guise de rentrée littéraire, j'ai eu la chance, récemment, de manipuler de mes doigts émerveillés un exemplaire d'un objet inattendu et assez rare: l'Almanach surréaliste du demi-siècle, paru comme le nom l'indique en 1950 aux éditions du Sagittaire.















































Sous la forme d'un livre, il s'agit d'un numéro spécial (volume triple) de la N.E.F. (Nouvelle Équipe Française).
Pour se faire une idée du caractère exceptionnel d'un tel numéro, dirigé par André Breton, il suffit de se reporter à la liste des collaborateurs :
- André Breton, Benjamin Péret, Arthur Cravan, Antonin Artaud, Octavio Paz, Robert Lebel, Henri Pastoureau, Julien Gracq, Jean-Pierre Duprey, André-Pieyre de Mandiargues, Malcom de Chazal, Jean Schuster, etc.


Les illustrateurs ne sont pas en reste, avec Toyen, Marcel Duchamp, Dorothea Tanning, Benjamin Péret, Slavko Kopac, Giorgio de Chirico, Marcel Jean, Jacques Herold, Maurice Henry, Max Ernst, Enrico Donati, Adrien Dax, André Breton, Dali, etc.


On y trouve, entre autres, un Calendrier tour du monde des inventions tolérables, par Breton et Péret.
Une lettre inédite du marquis de Sade à sa femme.
Un hommage à Maurice Heine, et un autre à Félix Fénéon.
Des notes sur les fourchettes, de Jehan Mayoux.
Des quinzaines héraldiques, par Marcel Jean.
Une étude inachevée sur Restif de la Bretonne (Restif érotographe).
Et de la publicité, parce que déjà et toujours il fallait bien payer l'imprimeur : la librairie la Hune, le dernier Robert Aron (Les Frontaliers de néant), Le troisième homme de Graham Greene chez Robert Laffont, Albin Michel, mais aussi le cognac Exshaw, "qui s'impose par sa qualité", et les Bons du Trésor et de la Reconstruction.















El Nino

























Le 13 août 1998, Nino Ferrer quittait sa maison et gagnait un champ de blé, un fusil à la main.
- C'est triste, disent les uns.

- C'est la vie, disent les autres.

- Ben non Ducon, c'est la mort.
- Oh! Hé! Hein! Bon!






Fries & poutine

























En attendant la suite des aventures cyclistes, voici une photo prise à Ottawa il y a quelques semaines, et que je trouve assez représentative de la question du français au Canada.







Et vogue le navire

La rumeur, annonçant la réédition des livres de Martinet








On commence à le savoir, les livres de Jean-Pierre Martinet me chavirent et me chamboulent et me retournent la tête et les estomacs. Mais jusque là, parler de ses livres revenait un peu à exciter la curiosité d'une faible audience de privilégiés puisque la plupart d'entre eux étaient épuisés.

Tadam!
Or, non seulement les éditions Finitude vont republier en octobre Jérôme, son chef-d'œuvre disparu, mais voilà que le Dilettante se prépare à remettre sous presse Ceux qui n'en mènent pas large, paru initialement chez eux en 1986, et que La Table ronde fait entrer le merveilleux À l'ombre des forêts, dans la Petite vermillon, son éclectique collection de poche.
C'est donc une nouvelle (dernière?) chance que les nombreux éditeurs de Martinet nous offre de découvrir ce talent maudit.
Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas, ni que vous ne pouviez pas. De mon côté, je vais enfin pouvoir vendre en librairie des livres que j'aime puisque ces deux éditeurs là sont distribués au Québec, contrairement à Finitude et l'Arbre vengeur (1).
C'est un grand jour blanc à marquer d'un nuage dans le ciel de ce faux été.






(1) En 2010, L'Arbre vengeur est maintenant distribué normalement au Québec, et les éditions Finitude sont disponibles à Montréal à la librairie Le Port de tête.

Voyage dans les Cantons de l'Est avec un bicycle (4)


Jour 4


(vendredi 11 juillet)



La nuit dans le rang des lièvres s'est bien passée. Pas de pluie ni de charpente effondrée. Au matin, je prends le temps de déjeuner tranquillement tout en questionnant la charmante patronne des lieux sur l'état des routes et des sentiers de la région.
Cette fois, il va falloir que je me frotte à ces montagnes que je voyais grandir depuis plusieurs jours. L'objectif de la journée est double: rejoindre le parc national du mont Orford, et tâcher de passer une première journée sans embûche. Je ne suis pas loin du mont Orford, un peu moins de 40 km, mais comme la grimpette est au rendez-vous, je décide de faire deux étapes, une première sur une route secondaire appelée "chemin des diligences", jusqu'à Eastman, au pied du mont, puis une deuxième par la piste à flanc de colline dans les bois.






























 Beau soleil, belle route, belles côtes. Pour la première fois, j'utilise les huit vitesses sur chacun des trois plateaux du vélo. Beaux mollets en perspective. À belle côte, belle descente, et après avoir soufflé un peu dans le charmant cimetière de Silver Valley, j'atteins la vitesse folle de 57 km/h, conscient de frôler la limite de l'équilibre en raison des sacoches.


À Eastman, je cigarette et je café régulier. Pendant ce temps là, à la table d'à côté, un homme ment sans vergogne, annonçant au téléphone qu'il est désolé, mais qu'il ne pourra pas venir avant mardi parce qu'il est présentement à Montréal pour affaires.
Je m'éclipse, car je veux arriver tôt au lac Stukely dont on m'a vanté la beauté. J'aimerais y passer deux jours, m'y baigner peut-être, faire du canoë, marcher, lire.
Mais encore faudrait-il arriver. La piste se fait cruelle, et l'ascension devient lourde et lente. Comme je croise une route, je regarde la carte un peu vite et décide qu'elle me mènera tout droit au camping du parc. De fait, voici bien une entrée.
Face à l'adolescente en bonne voie d'obésité qui végète à l'entrée, je m'insurge du prix exorbitant qu'elle réclame : 38 $ par nuit pour une tente, c'est trois fois ce que j'ai payé la veille, et environ 30% de plus que la moyenne.
Mais je pense au lac, m'acquitte de la coquette somme et me hâte de monter la tente. Comparé au parc national de l'Algonquin, où j'étais récemment, l'endroit me semble bien peu respectueux des conventions du genre, mais bon, je suis pressé d'aller plonger mon corps d'éphèbe dans l'eau glacée et de compléter mon bronzage zébré.
Ne trouvant pas la foutue plage, je reviens voir la lourde et lente adolescente pour lui demander où diable est donc caché le lac. Faut-il payer un supplément?
Rire glucide.




























 L'opulente jeune fille rit donc, et m'explique que je me suis trompé, que je ne suis pas encore dans le parc, que celui-ci est à environ vingt minutes en reprenant la piste que je n'aurais jamais dû quitter.
Grand moment de solitude; je cherche une issue de secours.
Heureusement, la charmante et gracile demoiselle a l'amabilité de me rembourser. Furieux contre moi-même, je remballe ma tente et mon orgueil à la vitesse de la lumière, et je reprends ma route avec un sourire crispé en passant devant la guérite de Blanche-Neige.


La piste est une salope. Inutile d'espérer pédaler dans le coin, je dois mettre pied à terre pour ménager ma monture. Conrad et Kipling n'avaient rien vu, cette fois c'est la jungle. Escaladant d'un côté, plongeant de l'autre. Mes freins n'en peuvent plus et hurlent de douleur, faisant fuir tout ce que ce coin désert aurait pu m'offrir de rencontres animales.


Au bout d'une éternité et quart, j'arrive dans une clairière, où un avant-poste du gouvernement et deux gardes en uniforme m'apprennent que cette fois, je suis bien à l'entrée du parc. Tout en précisant que le camping est complet pour les trois prochains jours.


- Même pour une petite tente?
Le plus jeune va faire un appel radio pour se renseigner.
- Alpha-Zoulou à Papy-Tango, on a un vélo qui sort du bois et qui voudrait dormir ici. Qu'est-ce qu'on fait?. Bien reçu Papy-Tango. Over.
Se retournant vers moi:
- Même pour une petite tente.


C'est fou ce qu'on apprend en voyage: qu'il faut réserver pour dormir dans les bois, ou comment ne pas fondre en larmes à la première contrariété. À la cinquième non plus d'ailleurs.
L'air visiblement désolés, les deux employés du parc offrent très gentiment de m'aider à trouver un autre camping. Par exemple, celui de l'autre côté de la colline, d'où je viens. Mais on a sa fierté, et pas assez de force dans les jambes pour reprendre ce chemin. La seule autre option semble se trouver un peu après Magog, à une vingtaine de kilomètres d'ici par la route.
Adieu donc la solitude et le repos espérés dans cette belle nature, je dois repartir sans attendre si je ne veux pas dormir sur le bord de la route, car avec tout ces contretemps il déjà plus de cinq heures.
Je traverse en deux heures ce parc où je comptais rester deux jours, j'aperçois un bout de lac et rattrape la vraie route. Vive les cadences infernales! Je fonce, car maintenant j'ai peur que tous les campings de la région ne soient complets pour le week-end. Magog, le bord du lac Memphrémagog, que je m'étais juré de voir à cause de ce nom que je trouve si beau, défilent de chaque côté de mes œillères, sans que je puisse en profiter.
Essoufflé, déçu, mais soulagé, j'arrive vers sept heures trente au redoutable camping d'Omerville, dont il faudra reparler.






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65 km, 22 km/h de moyenne, 282 km depuis le départ.