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Oie, méduses et phacochères





Depuis leur base secrète à Montréal, les éditions du Quartanier poussent, grandissent et se multiplient, avec un catalogue où fleurissent les trouvailles et des livres distribués "même" en France dans les meilleures librairies.
Pour donner à lire "différent", il faut évidemment savoir prendre des risques, trouver des auteurs qui en fassent autant, et espérer que quelques libraires acrobates prendront le relais. La livraison printanière du Quartanier semble confirmer qu'ils remplissent au moins les deux premières conditions.


Technique de pointe (tirez à vue), comme le titre ne le laisse pas entendre, est un recueil de poésie à deux mains (donc deux auteurs, on n'est pas au piano), Ariane Bart et Antoine Boute, qui vient à point pour nous rappeler que la Belgique est bien un pays de poésie et qu'elle semble s'y trouver à son aise.


Du côté des romans, la bonne surprise vient des Méduses d'Antoine Bréa, lequel se hâte de préciser que ce "n'est pas un roman, (...), Méduses est une descente. S'il faut définir, c'est ça que je dirais. Une descente dans l'intérieur du coeur".
Soit, il doit savoir ce qu'il dit. Disons pour faire simple qu'il s'agit - entre autres - d'une longue plainte déchirante d'un homme à l'adresse de la femme qui l'a quitté, puis à une autre, et encore une autre. Chaque nouvelle femme est perçue comme un espoir - de plus en plus mince - d'oublier la précédente, mais chaque fois la branche casse et le narrateur continue sa chute. Mais de toute façon rien ne va plus pour lui, et ça ne date pas d'hier; il faut dire aussi que la drogue coule à flots dans ses veines, et que les méduses commencent à s'accumuler au plafond, ce qui n'est jamais bon signe.
Voilà - dans les grandes largeurs - le scénario du livre, mais toute son originalité et son intérêt viennent de ce que l'on y trouve une même prise de risque constante, un même rythme sur le fil du rasoir que dans les textes d'Hervé Bouchard. Équilibre précaire, jonglage avec des mots en feu, phrases étouffantes et chapitres coagulés, il faut une certaine énergie pour s'y plonger, mais ça en vaut la peine.

Enfin, il y a dans la fabrication de ces livres, derrière le soin apporté aux couvertures, au choix des polices de caractère (voire leur création), un amour des livres évidement sincère que l'on ne retrouve guère dans l'édition québécoise qu'aux éditions de L'Oie de Cravan.






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